Alban Dechelotte : « Devenir le G2 du sport, pas seulement le Real Madrid de l’esport »

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Alban Dechelotte, le nouveau PDG de G2 Esports depuis janvier 2023, accorde une interview exclusive pour célébrer les 10 ans de la structure.

G2 Esports, géant de l’esport en Europe, célèbre ses 10 ans d’existence dans le domaine à partir de ce vendredi avec un événement organisé dans ses locaux à Berlin, en Allemagne. C’est l’opportunité de revenir sur les exploits des Samouraïs et d’évoquer les objectifs à venir en 2025 pour l’une des références mondiales de cette discipline.

Bravo pour les 10 ans de G2. Pourriez-vous nous parler des festivités prévues ce vendredi et tout au long de l’année ?

« Les 10 ans de G2 sont célébrés toute l’année en réalité. La date anniversaire sera en octobre, mais avec le début de la saison compétitive, nous avons souhaité organiser un premier événement ce vendredi. Ce sera l’occasion de revenir sur le passé, de revivre les meilleurs moments de ces 10 dernières années. Nous avons transformé nos bureaux de Berlin en un musée interactif, qui restera ouvert dans les prochains jours, où les fans de G2 pourront revivre les moments forts de nos différentes équipes. »

Une entreprise qui célèbre ses 10 ans, c’est remarquable, d’autant plus dans le domaine de l’esport, en constante évolution. Quel est le secret de la longévité de G2 ?

« En fin de compte, nous sommes encore jeunes parmi les grandes équipes. Liquid, Complexity, SK Gaming… ont plus de 20 ans d’existence. Même la Karmine Corp a 5 ans, bien qu’on dirait que leur histoire vient tout juste de commencer. Il est essentiel de rester fidèle à nos valeurs, de respecter notre public et nos fans. Saisir les bonnes opportunités également, pour continuer à faire briller la marque G2. Notre longévité repose également sur une gestion prudente de nos finances. Nous n’avons jamais effectué de grosses levées de fonds, mais nous privilégions une approche européenne de ne dépenser que ce que nous gagnons. Nous avons trouvé un équilibre qui fonctionne bien, et nous nous efforçons de le maintenir. »

En revenant sur ces 10 dernières années, comment jugez-vous l’évolution de G2 ?

« G2 est devenu l’un des leaders de l’esport en Europe et dans le monde. Je pense que l’objectif des deux fondateurs de la structure (Carlos « ocelote » Rodríguez Santiago et Jens Hilgers) était de faire de G2 le Real Madrid de l’esport. Aujourd’hui, c’est déjà une réalité. Atteindre un tel niveau d’excellence en seulement 10 ans est remarquable. Maintenant, nous devons nous fixer de nouveaux objectifs et viser encore plus haut. Personnellement, je veux que G2 devienne le G2 du monde sportif. Nous voulons suivre les exemples du Real Madrid dans le football, des Lakers en NBA ou de Ferrari en Formule 1. Nous voulons être à leur niveau. Nous avons encore un long chemin à parcourir, mais nous nous en rapprochons avec la jeune génération. Récemment, en Floride, une voiture a participé à une course officielle aux couleurs de G2. Ce sont des perspectives que nous étudions sérieusement, et elles font clairement partie de nos objectifs futurs. Nous voulons faire grandir G2, que ce soit dans l’esport ou dans d’autres domaines.

Notre objectif est également d’élargir notre base de fans, qui est déjà l’une des plus uniques dans le monde de l’esport. Nous observons l’impact de Na’Vi en Ukraine, de la Karmine Corp en France ou de T1 en Corée du Sud par exemple. Ils ont la chance d’être un symbole national de l’esport dans leur pays. Ce n’est pas notre cas, donc nous devons trouver un moyen de rassembler nos fans du monde entier autour d’un même projet et d’une passion commune. Nous comptons déjà sur 11 bases de fans solides dans 11 pays différents, et notre objectif est évidemment de faire vivre et croître cette communauté. »

Quel est le moment qui vous a le plus marqué au cours de ces 10 années ?

« Le moment qui m’a le plus marqué personnellement, c’est la victoire de G2 Gozen au Game Changers Championship 2022 (le championnat du monde féminin sur Valorant). Ce n’est pas le plus grand trophée de notre histoire, mais c’est l’un de mes souvenirs les plus marquants. De plus, cela s’est déroulé à Berlin, un peu comme à la maison, avec de nombreux supporters de G2 présents. Voir ces joueuses atteindre le sommet a été une véritable joie. Cela a fait de G2 une équipe qui compte vraiment dans l’histoire de l’esport féminin, et c’est une grande fierté. »

En revenant sur l’année 2024, il y a eu des hauts et des bas. Quel est le bilan de G2 en 2024 ?

« En moyenne, une saison compétitive représente environ 5 ou 6 trophées pour des structures comme FaZe Clan, Vitality… Pour notre part, nous en avons remporté 19 en 2024. Donc il est difficile de se plaindre. Même s’il est vrai qu’il nous manque ce trophée majeur, notre Everest. Aurais-je échangé 5 de nos trophées pour un MSI, un Champions ou un Major sur Counter-Strike ? Probablement. Mais comme je l’ai mentionné plus tôt, nous sommes à un moment de notre histoire où nous cherchons de nouveaux rêves. Il est bon d’avoir toujours des sommets à gravir, que ce soit en 2025 ou dans les années à venir. »

Vous avez dominé la scène européenne de League of Legends en 2024, mais vous avez choisi de remplacer deux joueurs de l’équipe (Yike et Mikyx). Ces changements étaient-ils nécessaires pour franchir un cap à l’avenir, notamment sur la scène internationale ?

« Ma philosophie est que le changement est nécessaire pour créer une dynamique positive. Je suis partisan de l’idée de changer 20% de l’équipe. C’est le ratio idéal pour maintenir une base solide tout en bénéficiant des avantages du changement. Nous sommes restés deux ans avec la même équipe et nous avons senti que c’était le bon moment de tourner la page, de commencer un nouveau cycle. Yike était excellent, et je pense qu’il réussira très bien chez la Karmine Corp. De plus, il apportera cette petite envie de revanche contre G2. En revanche, SkewMond a quelque chose de spécial. Nous avons beaucoup joué contre BDS Academy l’année dernière, et nous avons rapidement remarqué qu’il se passait quelque chose dans la jungle. Nous sommes très heureux de l’avoir à nos côtés pour les années à venir. Quant à Labrov, c’est un joueur très sérieux et travailleur. Il s’entend très bien avec Hans Sama, qui reste selon moi le meilleur AD Carry de l’ouest. »

J’ai eu l’occasion de discuter de l’évolution de l’esport avec Bertrand Amar, notamment sur League of Legends, et il a souligné l’importance de la monétisation des droits de diffusion, à l’instar du sport traditionnel avec les droits TV. Pensez-vous que c’est le meilleur moyen de pérenniser l’esport sur le long terme ?

« Est-ce réellement rentable pour les clubs de football ? Je considère plutôt cela comme une solution à court terme. Quand j’entends que des clubs espagnols doivent vendre une partie de leurs droits d’image pour recruter un joueur ou valider un transfert, je trouve ça aberrant ! Je ne veux surtout pas me retrouver dans une telle situation avec G2. De plus, la moyenne d’âge des spectateurs de football dépasse les 50 ans, ce qui montre que le public est de moins en moins convaincu par ce modèle. Dans l’esport, nous avons la chance de disposer de ligues et de compétitions accessibles gratuitement sur différentes plateformes. Il est préférable de se concentrer sur des sources de revenus alternatives, comme les bundles sur Valorant ou les skins sur League of Legends et CS. Cependant, il est indéniable que l’esport a besoin des droits de diffusion, du sponsoring et d’autres revenus alternatifs. Sinon, nous risquons de nous retrouver dans une situation similaire à celle de Rocket League… »

Malgré une saison remarquable sur Rocket League (champion de Major, finale des Worlds), vous avez décidé de vous retirer de la scène en 2025. Pourquoi ce choix et pourrait-on revoir G2 sur Rocket League à l’avenir ?

« Pour Rocket League, ce n’a pas été une décision facile. Personnellement, j’adore ce jeu, y jouer et le regarder. Je pense que nos joueurs faisaient partie des meilleurs du monde et je suis convaincu qu’ils vont tout déchirer en 2025… malheureusement, ce ne sera pas sous les couleurs de G2. Concrètement, Rocket League était de loin notre jeu le moins rentable. Avec le départ de notre principal sponsor, il n’était plus possible de continuer dans ces conditions. En tant que PDG, il était de mon devoir de prendre la décision de partir, pour l’avenir et la pérennité de la structure. Nous avons discuté avec Epic de certaines possibilités, nous avons même eu des discussions avec des équipes américaines en décembre. Mais rien n’a abouti. Il y a eu des rumeurs sur l’arrivée de G2 en Europe, mais G2 sur Rocket League a toujours été et sera toujours aux États-Unis. J’ai hâte de revenir sur ce jeu, mais il reste à voir quand cela se concrétisera. Nous gardons la porte ouverte. »

La scène féminine évolue constamment, avec récemment l’arrivée de Florescent en VCT EMEA ou la participation d’Imperial FE à l’IEM Katowice. Quelle est l’importance de l’esport féminin pour G2 ?

« Il y a de belles évolutions dans la scène féminine, et je pense que G2 en est l’une des raisons. Nous voulons avant tout continuer à faire ce que nous faisons de mieux. Nous avons la chance d’avoir une équipe féminine sur nos trois jeux principaux : LoL, Valorant et CS. Pour moi, la première étape consiste à offrir les mêmes chances à tous les joueurs et toutes les joueuses. Leur donner accès aux mêmes entraînements, aux mêmes infrastructures, aux mêmes coachs. C’est ce que nous essayons de faire chez G2, notamment en permettant à nos équipes féminines de s’entraîner avec et contre les équipes masculines. La deuxième étape consiste à promouvoir l’inclusivité jusqu’aux compétitions majeures. Nous constatons que cela commence à se concrétiser, avec Florescent en VCT ou des joueuses en ERL. Honnêtement, peu m’importe qu’il s’agisse de joueuses de G2 ou non, l’important est qu’elles puissent participer. Enfin, la troisième étape serait de normaliser le fait d’avoir des joueurs et des joueuses sur un pied d’égalité. Il y a cette formule en anglais que j’apprécie : ‘a player that happens to be a female’. Parce qu’avant tout, c’est un joueur, peu importe qu’il soit un homme ou une femme. Actuellement, nous nous situons plutôt au milieu de la deuxième étape, et G2 fera tout pour soutenir la scène féminine jusqu’à ce que nous atteignions cette troisième étape. »

Quels sont les objectifs et les ambitions de la structure pour 2025 ?

« En 2025, c’est une saison compétitive, donc évidemment nous voulons remporter un maximum de trophées. Sur League of Legends, nous visons la victoire aux Worlds, mais il s’agit d’un objectif ambitieux étant donné que nous n’avons pas atteint les quarts de finale lors des trois dernières éditions. Nous devons donc ramener G2 là où l’équipe devrait être, tout en maintenant la même dynamique en LEC. Sur Counter-Strike, nous avons rajeuni l’équipe cette année. Nous verrons si Ilya (m0NESY) a raison et si G2 peut remporter un Major maintenant que l’équipe n’est plus victime de la « malédiction NiKo ». Sur Valorant, nous avons toujours une équipe féminine exceptionnelle et les joueurs masculins sont également très forts. Nous avons terminé troisièmes des Masters avec Icy, un jeune rookie américain, qui sera remplacé par un champion du monde (Jawgemo). Sur le papier, nous progressons, et nous verrons si c’était le bon choix. Après avoir beaucoup observé nos équipes s’entraîner, notamment en scrim, je peux dire que je suis confiant pour cette année. J’ai hâte que les fans découvrent tous nos nouveaux talents. »

Je voulais conclure en abordant les Jeux olympiques de l’esport. Pensez-vous que cet événement serait bénéfique, voire nécessaire

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